Il y a une semaine, j’ai assisté à la conférence d’ouverture d’Italissimo, le premier festival de littérature et culture italienne à Paris, au cours de laquelle Alessandro Baricco et Aurélie Filippetti ont donné leurs opinions sur le rôle de la littérature et de l’écrivain en politique.
Passé les longs discours introductifs – la conférence avait quand même lieu à Sciences po ! – j’ai pris plaisir à entendre leur perception de leur métier d’écrivain. J’ai découvert qu’avant d’être ministre de la Culture, Aurélie Filippetti a publié deux romans. J’étais aussi très enthousiaste à l’idée d’entendre Alessandro Baricco dont j’ai beaucoup apprécié les romans « Soie » et « Novecento : Pianiste ».
Je vous mets ici un résumé de leurs principales réflexions en espérant qu’il est le plus fidèle possible à leurs propos.
Aurélie Filippetti
- La littérature apaise. Elle console face aux malheurs car elle nous émeut et nous aide à mieux comprendre la complexité du monde. Elle donne du sens et transmet une émotion personnelle et intime qu’elle partage avec la communauté. La littérature a une grande liberté.
- L’écrivain a une responsabilité esthétique. Ce n’est pas tant par le biais du sujet traité mais par la manière dont il est traité que l’auteur s’engage dans le monde. L’auteur fait des choix esthétiques pour mieux comprendre la réalité et éclaire ainsi l’intelligence du lecteur.
- La littérature répare et remet dans la discussion publique ce qui n’est pas passé de l’histoire, elle la réinterroge et fait revivre de manière plus sensible les tragédies qui nous ont meurtris. La mémoire se construit par des évocations et non par la chronologie. La littérature va toucher les émotions et la manière dont l’histoire est construite ne se fait pas de manière logique.
- L’écrivain peut faire entendre une voix discordante face à la voix dominante, il a le pouvoir de s’exprimer. L’écrivain est libre. Il peut avoir envie de participer à la vie de la cité et cette expérience peut nourrir un travail littéraire ou intellectuel. Le politique lui est plus restreint car il se projette en étudiant l’impact de sa parole. En ce qui la concerne, Aurélie Filippetti se sentait une responsabilité et voulait apporter une pierre à l’édifice.
- L’écrivain peut secouer le public, lui faire faire un pas de côté, instiller le doute, le faire se questionner, créer une brèche dans ses certitudes. Comme le dit Foucault, les mots sont du pouvoir.
Alessandro Baricco
- La littérature est indépendante de l’histoire et du monde. Par exemple, qui sait que Proust a rédigé une partie de son œuvre durant la Première Guerre Mondiale ?
- Les livres sont utiles. Quand on a une difficulté, on s’y réfugie car grâce aux livres réussis, nous nous rappelons que nous sommes forts, que nous pouvons faire de la beauté, que nous pouvons mettre de l’ordre. Nous pouvons expérimenter des choses horribles comme les guerres et les attentats mais aussi des choses magnifiques. Dans ce sens, écrire un livre, faire un croissant ou s’occuper d’un jardin, c’est la même chose. On fait le meilleur croissant possible.
- Les écrivains et les artistes sont des artisans de la beauté. L’artiste ouvre et est donc incompatible avec le totalitarisme.
- Pour Alessandro Baricco, il est nécessaire de séparer le travail d’écrivain, c’est-à-dire la rédaction de romans où l’auteur n’a pas d’engagement, de l’utilisation de sa renommée en qualité d’écrivain pour prendre la parole et s’engager dans des luttes politiques qui nous dépasse. C’est un choix.
- En ce qui le concerne, il n’intervient que quand il est vraiment convaincu, quand il a une puissance de pensée et sur un sujet qu’il connaît bien, donc très rarement.
- Pour lui, penser une révolution et gérer une révolution c’est deux talents différents.
Pour le plaisir, voici la belle vue de la fenêtre de l’amphi où avait lieu la conférence
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